Dans une période où l’empire de Disney est plus incertain que jamais, celui qui avait quitté son poste de PDG après 15 ans de direction audacieuse et pleine de succès doit maintenant revenir pour mener une lutte désespérée.
Dans un long article publié le Dimanche 12 Avril 2020, les reporters du New York Times ont pu bénéficier de quelques confidences de la part de leurs sources au sein de The Walt Disney Company. Il semblerait qu’à l’heure actuelle, Bob Iger soit de retour aux commandes de manière informelle. Bien entendu, aucun changement de poste n’a été officialisé, la transition entre Iger et son remplaçant étant une décision définitive du conseil d’administration.
L’ancien PDG est donc officieusement de retour, quelques semaines après avoir publiquement laissé sa place à Bob Chapek, l’homme qui était alors à la direction des parcs à thème de l’entreprise. La nouvelle du départ de Bob Iger avait choqué le monde des médias, le 25 Février, mais il s’agissait d’une transition effectuée avant même d’avoir été annoncée, le tout dans un geste stratégique visant à minimiser l’impact que cela générerait au niveau de la presse et des actions en Bourse.
Bob Iger n’était pas seulement le PDG d’un des groupes de divertissement les plus importants au monde, il était aussi le capitaine reconnu (autant mondialement qu’en interne) d’un navire ayant récolté succès après succès, durant quinze années de règne. Non seulement Bob Iger était l’architecte derrière l’acquisition de Pixar, Marvel, Lucasfilm ou dernièrement le catalogue de la Fox, mais ses décisions ont également mené Disney à atteindre le record inégalé de sept films milliardaires au box-office en 2019. Son dernier fait d’armes: avoir lancé le service de streaming Disney+, dorénavant fort de 50 millions d’abonnés payants en l’espace de cinq mois. Tout cela sans compter la popularité de l’homme, avec physique avantageux et sourire sans effort de tous les instants, ainsi qu’une attitude décontractée auprès de tous, qu’il s’agisse des plus grands du business comme des employés au sein des parcs.
Une crise de cette ampleur, et son impact sur Disney, nécessite inévitablement mon aide auprès de Bob [Chapek] et du groupe pour y faire face, surtout en partant du fait que j’ai dirigé la compagnie pendant 15 ans !
Bob Iger, ancien PDG de The Walt Disney Company
Son départ n’a jamais été envisagé à la base comme une réponse à l’épidémie de COVID-19. Il semblerait que Bob Iger ait déjà repoussé son départ pas moins de quatre fois depuis 2013, tellement l’évolution de The Walt Disney Company se portait pour le mieux au sein de sa direction. De même, il avait annoncé être prêt à partir du groupe vers le début du mois de Décembre, à une période où le COVID-19 n’avait même pas encore été identifié à Wuhan, en Chine. Et c’est en dépit des premiers signes nets d’aggravation pour l’empire Disney (la fermeture du parc à thèmes de Shanghai vers la fin du mois de Janvier 2020) que le conseil d’administration a décidé de poursuivre comme prévu et de procéder à la passation de pouvoir entre Bob Iger et Bob Chapek, d’abord discrètement en interne, avant d’officialiser la nouvelle, le 25 Février.

Aujourd’hui, la situation est critique pour de nombreux groupes et corps de métier dans le monde entier. Elle l’est peut-être encore plus pour Disney, dont la puissance financière repose en grande partie sur la proximité des gens, qu’il s’agisse des parcs à thème, de la production régulière de contenu télévisé ou des productions cinématographiques au potentiel milliardaire. Maintenant que les parcs Disneyland et les salles de cinéma sont fermés de part et d’autre, et que la production télévisée est à l’arrêt, The Walt Disney Company se bat pour sa survie. En ces temps incertains, le retour de Bob Iger aux commandes, fût-il informel, tient d’une certaine logique. Tous feront confiance à une figure de leadership aussi estimée que respectée, afin de diriger le navire vers un horizon plus clair, indépendamment des compétences du nouveau PDG, Bob Chapek.
C’est une grande chance qu’il ne soit pas juste * parti * tout court. Nous sommes dans une période où les gens cherchent avant tout un exemple de direction ayant prouvé son efficacité durant un long moment – et Bob Iger en est l’exemple même.
Richard Plepler, ancien directeur de HBO
L’un des rares rayons de soleil à percer ce ciel bien noir tient au succès de Disney+. Lancé le 12 Novembre 2019 aux États-Unis, au Canada et aux Pays-Bas, puis mis à disposition sur davantage de territoires durant les semaines et mois qui ont suivi, le service de streaming est maintenant doté de 50 millions d’abonnés payants, cinq mois après ses débuts. À titre de comparaison, le leader du marché Netflix a amassé 167 millions de clients au bout de dix ans d’activité.
Il s’agit là d’une performance qui dépasse toutes les espérances du groupe, des investisseurs et des analystes de Wall Street – des espérances qui tablaient plutôt sur une fenêtre entre 60 et 90 millions d’abonnés d’ici 2024. Nous voici au début de l’année 2020 et cette fenêtre est sur le point d’être atteinte, alors que Disney+ n’a même pas encore été rendu disponible dans tous les pays du monde. À l’heure actuelle, une partie de l’Europe attend encore le service de streaming pour l’été : le Portugal, la Belgique et les pays nordiques européens. Le reste de l’année 2020 prévoit le reste du monde, à savoir une partie de l’Asie, du Pacifique et de l’Amérique latine. Au final, The Walt Disney Company devrait rendre Disney+ disponible dans le monde entier d’ici 2021.
Pour autant, aussi brillant soit ce succès, Disney+ est un investissement qui demande encore à être rentabilisé, à l’instar de la somme gargantuesque dépensée pour acquérir les droits du catalogue cinématographique et télévisuel de la Fox, une somme à hauteur de 71,3 milliards de dollars. Dans l’état actuel du contexte du COVID-19, les estimations de l’analyste Hal Vogel partent sur une perte de 30 millions de dollars par jour dans les comptes de Disney. Une crise telle que le groupe a réalisé un emprunt de 6 milliards à la fin du mois de Mars – un geste que l’équipe du New York Times décrit comme un acte de détresse autant que de confiance de la part du conseil dirigeant envers la capacité du groupe à rebondir et à rembourser ses dettes à l’avenir.
Actuellement, The Walt Disney Company procède à des coupes drastiques, autant au niveau des budgets de développement qu’au niveau des salaires ou des corps de métiers. 223 000 employés travaillaient pour le compte du groupe durant l’été dernier. Ce nombre est en train d’être sévèrement réduit, alors que Bob Chapek a annoncé devoir congédier des dizaines de milliers de salariés. Le président de Workers United Local 50, Chris Duarte, a reporté qu’environ 30 000 postes avaient été supprimés en Californie, et 43 000 seront également supprimés en Floride (200 considérés comme « essentiels » resteront en poste). Tous les employés conserveront leurs bénéfices mais leur dernier chèque leur sera envoyé au 19 Avril 2020.
Selon les sources du New York Times, Bob Iger est actuellement en train de planifier l’évolution du groupe et son devenir après la crise du COVID-19, notamment au niveau des changements qui pourraient potentiellement devenir permanents. L’idée n’est pas seulement de parvenir à faire revenir les gens dans les parcs à thèmes, avec bien évidemment des adaptations en termes de sécurité, mais aussi de faire le bilan sur l’état du business sur une échelle plus large.
Bob Iger a confié à ses associés qu’il prévoyait un changement inéluctable sur certaines pratiques datées au sein de l’industrie. L’ère des promotions et campagnes marketing coûteuses (car très précoces, entre autres) pourrait bien toucher à sa fin, de même que cette tendance générale à financer moult projets & pilotes en étant pourtant conscients que la majorité ne se verra pas concrétisée. Pour le meilleur comme pour le pire, la pandémie du COVID-19 pourrait faire revenir Hollywood vers une attitude financière plus raisonnable. Reste à savoir quel sera l’état de Hollywood après la levée progressive des confinements, mais aussi l’état des exploitants de salles (le plus grand propriétaire de salles, AMC Theatres, risquant actuellement la faillite) et plus spécifiquement l’état de The Walt Disney Company. Bob Iger était sur le point de partir en retraite après avoir atteint le sommet de sa carrière, nul ne pourrait dire s’il aura à nouveau cette occasion.
Sources: The New York Times – The Wrap –
Images Copyrights: The Walt Disney Company